On peut former sans exclure

On peut former sans exclure

Danielle Bonneton, date inconnue

En France, tout comme à Genève, ces derniers temps, il est beaucoup question d’éducation et d’école.  Et que nous soyons enseignants, acteurs de l’éducation, citoyens nous sommes préoccupés par l’avenir de tous les jeunes et particulièrement des jeunes des milieux les plus défavorisés. Notre engagement est-il suffisamment déterminé afin de permettre à tous de réussir à l’école ?

Face aux nouvelles initiatives concernant l’enseignement secondaire, la volonté de certains de vouloir faire croire que l’on peut, avec des filières sélectives, garantir l’égalité des chances est tout simplement mensongère ; les filières, on le sait, fabriquent de l’exclusion. Et ce faisant, on feint simplement d’oublier le destin scolaire des élèves les plus fragiles, ceux que l’on retrouve en marge de la société.

Toutes les recherches sur les systèmes éducatifs convergent sur le fait que seules celles qui comportent des classes hétérogènes offrent des conditions de réussites effectives et démocratisation.

Ce concept de démocratisation, vise une égalité effective d’accès à l’éducation, à la formation, à la culture, à la qualification, au travail. Hors une véritable démocratisation des études implique de vrais changements pour l’école, tant primaire que secondaire. Elle vise à former sans exclure, à former simplement et c’est déjà un enjeu de taille. Faire apprendre tout le monde, c’est possible, pour ceux dont la volonté politique se mobilise dans ce sens.

Ce ne sont pas les discours sur l’école actuelle qui laissent croire que cette dernière est porteuse de tous les maux, de toutes les incompétences qui jettent le discrédit sur les élèves, leurs familles, les professionnels; l’école saurait apprendre à lire aux élèves, le niveau baisse, les incivilités se multiplient, les parents sont absents… A moins d’un véritable problème psychologique aigu, les parents sont généralement très soucieux de l’avenir de leurs enfants. Et maintenant plus que jamais. Il conviendrait plutôt de se demander si ce n’est pas justement la violence intrinsèque de l’école, qui génère de la compétition, de la distance et du mépris ?

Le vrai moteur tant des pédagogies élitaires que du stress qu’elles créent chez les élèves et leurs familles est sans conteste l’évaluation certificative, sélective ; celle qui fait que la réussite scolaire et donc sociale des jeunes est en péril.

En France, les récentes réglementations sur le permis de conduire, ont, de manière exemplaire et triste, démontré que les jeunes, issus de l’immigration ou des classes sociales les plus défavorisées, se sont auto exclus de la compétition pour l’octroi du permis : pour ces derniers, malgré une volonté forte de l’obtenir, le niveau de complexité des tâches demandées, ne devenait plus accessible. Est-ce que nous voulons faire de notre école ? Une machine à fabriquer, du renoncement, des exclus, des jeunes marginalisés, souffrants, agressifs, malheureux ?

Les initiatives qui visent à créer des écoles avec des filières préparent l’installation d’une école à plusieurs vitesses, qui au lieu de combattre les difficultés scolaires, contribuent à les accentuer. Trop de jeunes sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification et l’échec scolaire doit nous mobiliser, être combattu de toutes nos forces de citoyens et d’êtres humains.

Nous sommes dans une école dont le niveau, depuis des années, monte, avec d’ailleurs le niveau de formation. L’école répond aux défis de donner des clefs de compréhension du monde dans toute sa complexité. Enseigner, éduquer les jeunes aux enjeux de notre société actuelle est un engagement personnel, professionnel, collectif extrêmement élevé. Et, dans ce sens, les pratiques innovantes montrent que des projets éducatifs solides et solidaires sont des réponses effectives pour soutenir la différenciation pédagogique nécessaire aux apprentissages. On connaît les moyens, différenciation, travaux de groupes, tutorats, appuis spécifiques, mais aussi organisations du travail différenciées qui favorisent des regroupements d’élèves en fonction des apprentissages à effectuer, travail en équipe et en coresponsabilité ; autant de voies prometteuses.

Même si le système gomme quelquefois rapidement les innovations, ce sont elles qui, dans les équipes, dans les écoles, dans les établissements, font que les apprentissages se réalisent, que les obstacles à l’apprentissage sont surmontés. Les poches d’innovation existent et heureusement, des systèmes éducatifs innovent et leurs expériences sont encourageantes.

Ne pas contribuer à faire régresser l’école, c’est se positionner dans des choix positifs pour l’école de demain. Choix politique, choix de société : chaque être humain a besoin d’apprendre, de progresser, pour se responsabiliser, pour s’émanciper, pour, à son tour, créer. Former sans exclure, comme le souligne l’association genevoise du même nom ; c’est possible et l’initiative pour l’enseignement secondaire déposée récemment le propose. Aujourd’hui, on n’a plus le droit d’exclure… ni de ne pas former et éduquer chacun.